La scène culinaire montréalaise à toutes les sauces
Né et élevé à Montréal, Michele Forgione a découvert sa passion pour la cuisine auprès des membres de sa famille italienne. Il n’a ensuite jamais cessé d’explorer son côté créatif. Puis, alors qu’il travaillait dans la cuisine du restaurant Osteria Venti, Michele a rencontré l’animateur culinaire Stefano Faitia, qui lui a fait connaître son désir d’ouvrir un nouvel établissement fidèle aux principes de la cuisine italienne. Le duo a ouvert son premier restaurant, l’Impasto, deux ans plus tard, dans la Petite-Italie de Montréal.
Aujourd’hui, Michele gère plusieurs restaurants en compagnie de son partenaire d’affaires Stefano, y compris les restaurants Impasto, Pizzeria GEMA, Chez Tousignant et Vesta, tout en produisant des produits italiens de qualité destinés à la vente au détail. Michele a également publié un livre à succès intitulé Montréalissimo et est actuellement directeur de la section culinaire du magazine Panoram Italia.
Nous nous sommes arrêtés au restaurant Impasto, où tout a commencé, pour découvrir son approche commerciale axée sur l’équilibre ainsi que ses prochains projets.
Comme la majeure partie de votre désir de devenir chef professionnel a été inspiré par votre grand-père, qu’est-ce qui vous a poussé à lancer vos activités à Montréal?
Je suis né à Montréal, à une époque où les techniques classiques de cuisine italienne n’étaient pas très populaires. J’ai cependant grandi au sein d’une culture typiquement italienne mise de l’avant par mon grand-père et mes parents. Il y avait quelques bons restaurants dans les années 1980 et 1990, mais ce n’était pas comme aujourd’hui.
Je voulais garder mes origines gastronomiques intactes et je ne voulais pas offrir uniquement des plats italo-américains comme la plupart des restaurants canadiens. Je voulais faire découvrir l’Italie. Lorsque j’étais jeune, nous allions en Italie chaque année, et j’adorais la cuisine italienne régionale de Montréal. C’est un peu un mélange de tout ça qui m’a inspiré à me lancer.
Comment votre partenariat avec votre copropriétaire Stefano Faita a-t-il vu le jour?
Stefano est un chef bien connu et rêvait d’ouvrir un restaurant, mais n’avait encore jamais travaillé dans un restaurant. Sa mère gère une école de cuisine bien connue appelée Mezzaluna, et tous les grands chefs de Montréal y ont suivi ou donné des cours depuis les 26 dernières années. Stefano a commencé à aider sa mère et les chefs enseignants à l’âge de 16 ans, ce qui lui a permis d’apprendre les rudiments du métier auprès de certains des meilleurs chefs qui soient.
En 2011, il animait une émission de télévision intitulée In the Kitchen sur les ondes de CBC. Cette année-là, il s’est présenté à un restaurant où je travaillais et m’a dit qu’il rêvait d’ouvrir un restaurant et qu’il avait besoin d’un chef. Il m’a dit qu’il avait entendu parler de moi et qu’il aimait ce que je cuisinais, puis il m’a invité à son émission de cuisine à Toronto. J’y suis resté trois jours; nous avons profité de l’occasion pour apprendre à nous connaître, fixer des règles et préciser nos préférences. On connaît la suite!
Comment le concept et le menu de vos restaurants Impasto, Pizzeria GEMA, Chez Tousignant et Vesta s’éloignent-ils ou s’approchent-ils de votre style culinaire?
L’Impasto est davantage un restaurant italien gastronomique. On n’y sert pas une cuisine régionale. J’essaie toujours de collaborer avec des producteurs locaux, comme un restaurant italien ou une nonna le ferait. Une nonna utiliserait les produits qu’elle possède déjà. À l’Impasto, nous avons la chance de travailler à côté du Marché Jean-Talon. Nous n’utilisons pas nécessairement que des ingrédients typiquement italiens, mais les utiliserons dans l’esprit de la cuisine italienne. Nous employons trois ou quatre ingrédients locaux et saisonniers par plat, et les laissons voler la vedette. Il y a cependant certains ingrédients dont je ne peux pas me passer, comme l’huile d’olive vierge extra. Nous faisons notre propre pain, nos propres pâtes et nos propres viandes froides. Notre pain et nos pâtes sont faits à partir de farine québécoise, et nos viandes proviennent de porcs locaux élevés sans cruauté.
Le restaurant Pizzeria GEMA sert des plats-minute et des pizzas napolitaines classiques. Certains de nos produits sont plus créatifs, mais il s’agit surtout de plats de style napolitain.
Chez Tousignant est un casse-croûte québécois classique offrant des hot-dogs, des hamburgers et des sandwichs. Nos hot-dogs et nos pains sont faits maison. Nous hachons notre viande tous les jours.
Mon nouveau restaurant, le Vesta, est plutôt italo-américain. Dans les années 1980, nous n’avions pas accès à la plupart des ingrédients que l’on retrouve aujourd’hui. La pâte à pizza était plus épaisse, car la pizza napolitaine n’avait pas encore fait son entrée au Canada. Outre la pizza napolitaine, nous offrons des pizzas au levain sans levure commerciale. Elles sont épaisses, mais légères, et sont garnies de pepperoni, de champignons, de poivrons, de mozzarella blanc, etc. Nous offrons également des plats de pâtes simples, comme des spaghettis aux boulettes de viande. C’est une trattoria à l’ancienne dans laquelle nous préparons tous les plats à partir de zéro.
En plus d’être chef-propriétaire de trois populaires restaurants montréalais, vous avez récemment lancé la sauce Stefano et une gamme de pizzas surgelées. Comment trouvez-vous un équilibre entre tous vos projets?
Nos produits sont vendus dans tous les établissements Sobey’s du Canada et dans plusieurs magasins indépendants, pour un total d’environ 2 000 points de vente. Nous faisons également affaire avec 200 supermarchés du Texas, appelés H-E-B, et nos produits y sont très populaires. Stefano et moi visiterons plusieurs de ces établissements plus tard cette année.
Dans notre équipe, je suis celui qui met au point les recettes, puis procède aux dégustations et à la rectification de l’assaisonnement dans les locaux de l’entreprise qui produit nos aliments à grande échelle. Nous produisons ensuite un lot important de produits pour nous assurer qu’ils goûtent tous la même chose. Si c’est le cas, mon travail est terminé. Les produits sont ensuite soumis à des inspections pour en connaître la valeur nutritive, puis des tests de sécurité et de vérification de la qualité sont effectués. Je mets ensuite les produits en marché, puis me rends dans les magasins pour en faire la promotion. Pour ce faire, nous montrons comment Stefano et moi utilisons simplement les produits comme le ferait un chef et veillons à ce que les gens apprennent à nous connaître.
Dans les restaurants, nous déléguons beaucoup de tâches. Je m’y présente tous les jours, mais je ne cuisine autant qu’avant. J’ai maintenant 42 ans, et c’est tout ce que j’ai fait de 17 à 37 ans. En 2014, lorsque nous avons ouvert GEMA, Stefano et moi trouvions qu’il valait mieux que j’arrête de cuisiner, car il avait une vision et souhaitait faire croître l’entreprise. Il m’a dit « J’ai besoin de ton cerveau, de tes menus et de ta gestion des coûts. Nous devons renforcer ce petit empire. » Nous avons alors engagé de nouveaux employés, les avons formés, puis leur avons donné les outils dont ils avaient besoin pour faire un excellent travail.
Avez-vous des conseils à donner aux chefs qui souhaitent explorer d’autres domaines des services alimentaires?
Essayez de ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier. Si vous ouvrez un restaurant, faites-le progressivement. Vous n’aurez pas besoin d’acquérir tout l’équipement possible en même temps. Réduisez vos frais d’exploitation le plus possible et veillez à ce que votre loyer ne tue pas votre entreprise dès le début.
Consultez également un avocat, un bon, même s’il est cher, pour ne pas avoir de mauvaises surprises pendant au moins trois de vos cinq premières années d’exploitation. Ce serait dommage qu’une personne se rende compte que vous connaissez beaucoup de succès et cherche à avoir une part du gâteau à votre deuxième ou troisième année d’exploitation. Veillez donc à utiliser dès le départ votre argent pour régler toutes les questions juridiques pertinentes pour votre entreprise et protéger vos investissements et vos intérêts.
Quel rôle les épices et les assaisonnements jouent-ils dans le processus d’amélioration de vos plats?
Dans le monde de la cuisine italienne, on n’utilise généralement pas beaucoup d’épices, sauf dans les desserts. Pour ces derniers, on se tourne vers la cannelle et les clous de girofle. Pour les plats italiens salés, nous utilisons du basilic, du persil et beaucoup de fines herbes.
Comme je n’utilise pas beaucoup d’épices, mon Cacio e Pepe contient seulement quatre ingrédients, le quatrième ingrédient étant la seule épice qu’il contient, à savoir du poivre noir Club House. Ce plat emblématique est originaire de Rome. Des restaurateurs partout dans le monde préparent ce plat à leur propre façon, c’est fascinant. Ma version contient du poivre noir rôti et passé au moulin pour en mettre en valeur toutes les huiles essentielles.
À mesure que vous vous épanouissez dans votre travail, comment aimeriez-vous voir la scène gastronomique montréalaise évoluer?
Nous continuerons d’utiliser le plus possible des ingrédients provenant de producteurs locaux et investirons auprès d’entrepreneurs locaux. Les ingrédients n’ont pas toujours besoin de provenir des États-Unis. Par exemple, si vous avez besoin de fraises, achetez-les pendant la saison des fraises et tenez-vous loin des aliments peu frais qui n’ont pas été produits localement, dans la mesure du possible. Encouragez les entreprises locales; ce faisant, vous stimulerez votre propre marché. L’industrie se simplifiera à mesure que tous les acteurs apprendront à se connaître et à se rendre mutuellement service.
Quels sont vos prochains projets avec vos restaurants?
L’une de mes anciennes chefs, Erin, cuisine des plats iraniens-arméniens, et Stefano et moi aimerions investir dans son entreprise. Nous aimons investir dans les membres de notre personnel, leurs rêves et leurs futurs restaurants.
Nous mettrons également au point beaucoup plus de produits destinés à la vente au détail. Maintenant que nos sauces et nos pizzas se vendent bien, nous lancerons en novembre un panettone naturel et prévoyons concevoir des soupes, des pestos, des bouillons et des pâtes.
Chefs en vedette
Chef Jinhee Lee
Nous nous sommes arrêtés au JinBar pour en savoir plus sur le parcours qui l'a conduit à créer le restaurant le plus populaire des Calgariens à la recherche de plats coréens réconfortants.
De là, il est parti explorer les cuisines de divers groupes de restauration avant de joindre les rangs du Chakalaka, un bar à tapas d’inspiration internationale de Calgary, en 2020.