Un festin de Winnipeg pour les âmes indigènes

De la saine alimentation à son service de garde à la promotion de la culture des Premières Nations par l’intermédiaire de son restaurant Feast Café Bistro, la chef propriétaire de Winnipeg Christa Bruneau-Guenther ne passera assurément pas sous le radar en 2019 et au-delà!

Nous nous sommes entretenus avec la chef Bruneau-Guenther pour en savoir plus sur son parcours autochtone dans le paysage culinaire manitobain et de ce qui l’inspire à consacrer sa carrière à la nourriture et aux gens aux origines autochtones.

Avant de lancer le Feast Café Bistro, vous concoctiez des plats santé afin d’enseigner aux enfants de votre ancien service de garde comment manger sainement tout en redécouvrant leurs racines autochtones. Comment les enfants et les adultes ont-ils réagi à votre initiative au premier abord? Comment les choses se sont-elles ensuite enchaînées pour vous, jusqu’au FCB?

Honnêtement, les enfants et bien des adultes n’aimaient pas ou ne voulaient tout simplement pas manger les aliments sains que je leur préparais! Ils étaient certes curieux et intéressés, mais ils étaient réticents à consommer les aliments ou les refusaient simplement, car cette cuisine leur était totalement étrangère. La seule solution était d’amener les enfants à l’épicerie et de les faire participer à mon processus culinaire, ce qui nous a ensuite encouragés à faire pousser nos aliments traditionnels dans notre minijardin!

Ils pouvaient ainsi toucher, sentir et même placer les ingrédients eux-mêmes dans les sacs d’épicerie et déterminer à quels groupes alimentaires les aliments appartenaient. Cela les a rassurés et incités à essayer de nouveaux aliments. Mais ce qui a eu le plus gros impact, c’est le fait de leur enseigner comment préparer les repas et de les faire participer à tout le processus en cuisine. Laver les légumes, les couper, faire le service et même le nettoyage... ces compétences ont alimenté leur désir de manger la nourriture qu’ils préparaient de leurs mains. Ils se sentaient fiers, valorisés et confiants de manipuler eux-mêmes les aliments.

Se rapprocher de la culture des Premières Nations par l’intermédiaire de la nourriture les rendait heureux et favorisait leur autonomie! Après plusieurs années à apprendre, à jardiner, à élaborer des recettes, à enseigner aux enfants et aux membres de la collectivité la façon de cuisiner et de découvrir les aliments traditionnellement autochtones, l’occasion d’ouvrir le Feast Café Bistro s’est présentée.

Dans quelle mesure votre approche en matière de cuisine au Feast Café Bistro diffère-t-elle de celle que vous prôniez dans la cuisine inspirée du guide alimentaire des Premières Nations que vous serviez dans votre service de garde?

Mon style culinaire est très semblable. J’utilise autant d’ingrédients autochtones qu’avant afin de servir des plats savoureux, familiaux et représentatifs de ma culture. Le fait que nous n’utilisions pas le bison au départ constitue le seul changement majeur. La viande était encore très dispendieuse, et nous n’y avions pas autant accès qu’aujourd’hui.

L’essor et la promotion de Feast auprès du grand public canadien ont dû comporter leurs lots de défis? Quels étaient-ils? Comment les avez-vous surmontés et quelles ont été les réactions?

Les gens n’étaient pas tout à fait prêts à un menu où le bison remplaçait le bœuf. Beaucoup n’avaient pas essayé le bison de peur de ne pas aimer cette viande. Nous devions convaincre les clients que c’était délicieux. Le bison est maigre, sain et contient 85 % moins de gras que le bœuf. Il a aussi un goût plus sucré. Nous devions aussi dire aux clients que s’ils n’aimaient pas leur assiette, nous allions en assumer les coûts. Disons simplement que nous n’avons pas eu à offrir un seul repas gratuit! Les gens ont toujours adoré notre bison!

Par l’intermédiaire du Feast Café Bistro, nous avons également enseigné à nos clients l’histoire du bison d’Amérique, l’importance qu’il revêt pour notre culture et à quel point il est traité de façon humaine par les éleveurs (sans hormones). Leurs conditions se rapprochent beaucoup de celles dans lesquelles vivent les animaux sauvages. Les clients sont ainsi rassurés quant à la nourriture qu’ils consomment, physiquement et psychologiquement.

Pouvez-vous décrire votre client type?

Notre clientèle est très bigarrée. Nous avons les travailleurs qui viennent pour le lunch, les gens qui vont au théâtre, les universitaires, les immigrants, les délégués, les membres de la collectivité, les chefs ainsi que les Autochtones issus de nos propres communautés!

Où puisez-vous votre inspiration autochtone pour votre menu et vos saveurs?

Faire pousser nos aliments autochtones dans notre propre jardin est toujours inspirant. L’inspiration provient aussi des connaissances culinaires de nos Aînés, de livres sur les plantes, d’autres chefs autochtones, de la visite de fermes, du gibier sauvage donné par les amis et la famille et des voyages à l’étranger, dans des pays où les mets et les restaurants sont dominés par la culture locale, par les gens et par les aliments de leur territoire.

Quel est votre plat le plus populaire et pour quelle raison croyez-vous qu’il suscite un tel engouement?

Notre pizza sur banique à la courge musquée rôtie : noix de pin, courge, banique et érable, quatre ingrédients autochtones, en plus du Bothwell, un fromage local. Nous y ajoutons aussi de la saucisse de bison pour parfaire l’expérience!

Il y a aussi notre burger de bison accompagné de sauce BBQ aux bleuets sauvages et nos tacos de bison pow-wow. Pour le souper, notre rôti de bison avec purée de courge et pommes de terre et notre brochet local poivre et citron font également partie du lot!

La pizza à la courge est un succès assuré; elle est tout à fait unique et les gens sont curieux de l’essayer. Une fois qu’ils y goûtent, ils deviennent accros! Comme pour les autres mets, les plats simples, faits maison et cuisinés avec amour sont imbattables.

Décrivez-nous un événement, une histoire ou un souvenir qui vous a marquée dans le cadre de cette aventure qu’est le Feast Café Bistro. 

Nous avons visité la ferme de bisons qui nous fournit toute notre viande. Il s’agit d’une des expériences les plus émouvantes et spirituelles que mes employés et moi avons vécue. Nous voulions présenter une offrande aux bisons d’Amérique, leur témoigner notre respect, prier pour la terre et les remercier de sacrifier leur vie pour nourrir nos clients du Feast Café Bistro. Le fait de marcher dans les champs et de passer un moment avec eux représente un souvenir que je n’oublierai jamais. La réaction du bison devant notre offrande était du jamais vu auparavant, même pour le fermier. Ça relevait presque du miracle de réaliser et de savoir que ces bisons connaissaient exactement la raison pour laquelle nous étions là... ils nous ont en quelque sorte donné leur approbation.

De quelle façon les épices et assaisonnements modernes se mêlent-ils aux ingrédients plus traditionnels utilisés dans vos plats d’inspiration autochtone?

Lorsqu’on cuisine depuis longtemps, on expérimente différentes saveurs et on réalise alors qu’il y a toute une kyrielle d’épices modernes qui peuvent résolument rehausser et accompagner les ingrédients autochtones traditionnels. De là la beauté de la cuisine : on peut évoluer, infuser et créer nos propres plats tout en mettant en relief les aliments autochtones traditionnels.

Quelles sont vos aspirations quant à la croissance de votre restaurant et à vos initiatives personnelles en matière d’aliments autochtones et de saine alimentation? Quel plat aimeriez-vous servir à votre restaurant dans un avenir rapproché?

Je souhaite partager mes recettes et rédiger un livre de cuisine holistique contenant des recettes familiales simples à réaliser pour les gens qui cuisinent à la maison, des recettes qui plairont à toute la famille. J’aimerais aussi réaliser des vidéos de cuisine et de jardinage et lancer le débat sur les choix alimentaires sains et l’importance de la cuisine comme compétence de vie essentielle.

Ultimement, je veux inspirer les gens à cuisiner et à jardiner, le tout en mettant l’accent sur les aliments issus de la culture des Premières Nations qui poussent si bien sur nos belles et grandes terres! Et pour le Feast Café Bistro, je souhaite faire croître le service de traiteur et peut-être ouvrir d’autres emplacements. Ce serait fantastique que chacune des villes du pays ait son Feast Café Bistro! J’aimerais par ailleurs inclure une autre protéine à mon menu, comme la venaison.

Selon vous, de quoi Winnipeg a-t-elle besoin pour devenir la prochaine destination gastronomique?

Je crois que Winnipeg est déjà une destination gastronomique! Nous sommes en plein centre du Canada, nous célébrons les quatre saisons, et notre ville possède une des scènes gastronomiques les plus diversifiées sur le plan culturel de tout le pays. Nous comptons la plus grande population de membres des Premières Nations et nous soulignons cette particularité de multiples façons. Nous tenons des festivals axés sur la gastronomie toutes les saisons. Winnipeg regorge de caractéristiques qui en font une destination gastronomique et possède maintenant l’un des rares restaurants au pays qui célèbre les aliments, les peuples et la culture autochtones de notre territoire : le Feast Café Bistro!

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